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CHAPITRE II

Seconde Restauration.

Pendant les Cent-Jours, Louis XVIII avait résidé à Gand, entouré d'une petite cour, de ministres, de dignitaires, comme si pour lui l'exercice de la royauté n'était pas interrompu; il avait attendu dans cette tranquille fiction l'issue des opérations militaires. Les premières nouvelles de la bataille du 18 juin étant arrivées toutes favorables aux Français, la petite colonie royale s'était mise à faire ses préparatifs de départ pour s'éloigner davantage. Les dernières nouvelles, annonçant la défaite de Napoléon, suspendirent les préparatifs et causèrent une explosion de joie dont le Moniteur de Gand conserve le témoignage. Bientôt après, la cour de Gand se mit en route pour la France. A Mons, sur les représentations de plusieurs personnes venant de France, sur les conseils d'étrangers considérables, Louis XVIII se décida à accepter la démission que lui offrit, un peu à regret, M. de Blacas, dont l'impopularité avait atteint les dernières limites. Un cadeau de plusieurs millions consola ce serviteur plus dévoué qu'intelligent. Le 26 juin, Louis XVIII arriva à Cambrai occupé par les alliés, et d'où il lança une proclamation assez habilement rédigée, dans laquelle il reconnaissait que son gouvernement avait fait des fautes, promettait

de profiter de l'expérience acquise, d'ajouter à la Charte les garanties nécessaires, repoussait comme une calomnie la pensée de rétablir les droits féodaux et d'annuler les ventes de biens nationaux ; il promettait, en outre, de pardonner aux Français égarés tout ce qui s'était passé depuis son départ de Lille, mais il exceptait du pardon les intigateurs et les auteurs de la trame horrible qui avait appelé l'étranger au cœur de la France. Les Chambres devaient être chargées de les désigner à la vengeance des lois. Ces sentiments de résipiscence et de pardon n'étaient pas ceux dans lesquels le chef des Bourbons avait repris le chemin de la France, mais il eut la sagesse de céder aux conseils de modération qui lui furent donnés par ses ministres et surtout par Wellington. Sa famille et les vrais royalistes furent moins adroits; ils se répandirent en plaintes et en invectives contre un acte qui abaissait la royauté devant la révolte. C'étaient bien là les gens qui n'avaient rien oublié ni rien appris, après 1815 comme après 1814.

La monarchie légitime réglait ses étapes sur celles de l'armée anglo-prussienne et sur les missives secrètes de Fouché au duc de Wellington. Habile aux ténébreuses menées, Fouché avait su persuader au général anglais que c'était lui, duc d'Otrante, qui avait dirigé les événements et qu'il était l'homme indispensable de la situation.Trompé par ces artifices, pressé d'ailleurs de terminer une guerre ruineuse pour l'Angleterre, qui en payait les frais, Wellington tenait à brusquer le dénouement avant l'arrivée des souverains alliés, assez

mal disposés pour les Bourbons. C'était lui qui avait conseillé, réglé la marche du roi ; il insista pour que Louis XVIII vît Fouché et acceptât ses services. Après une certaine résistance, le monarque céda, en manifestant sa répugnance par des paroles d'une vivacité étrange.

L'entrevue eut lieu à Saint-Denis, le 6 juillet. Louis XVIII accueillit froidement le régicide et, en terminant l'audience, lui annonça qu'il le nommait son ministre de la police. Fouché avait été introduit par Talleyrand; les deux personnages étaient dignes l'un de l'autre.

Le même jour, 6 juillet, par suite des trahisons du duc d'Otrante, les Prussiens entrèrent dans Paris, sombres et menaçants, repoussant à coups de crosse les indignes Français qui venaient autour d'eux crier Vivent les alliés! Vive le roi ! Le lendemain matin, ils fermèrent les portes du palais Bourbon, et les membres de la déplorable Chambre des représentants se trouvèrent dans l'impossibilité de se réunir pour continuer à discuter une constitution morte avant d'être née. Ils ne méritaient pas un regret. Louis XVIII, on l'a vu, rentra le 8 juillet. Ce retour ne ressembla en rien à celui de l'année précédente.

Nous avons montré que les Bourbons ne furent pas imposés par les souverains étrangers en 1814; ils ne le furent pas davantage en 1815. Aucun des souverains alliés ne prit, à la deuxième Restauration, même la part secondaire qu'avait prise à la première Alexandre, trompé par des démonstrations dont il ne pouvait démêler le vrai caractère. Louis XVIII et sa cour suivirent pas à

pas l'armée ennemie; ils entrèrent à Paris après elle sans qu'elle y mît obstacle ou y donnât assistance. Le roi reprit le pouvoir, parce que le pouvoir n'était plus aux mains de personne. Les ennemis des Bourbons ont donc pu dire avec vérité que ces princes étaient revenus dans les bagages des armées étrangères. Avec autant de vérité, Wellington put dire à Louis XVIII, le 5 juillet: «Sire, » demain j'aurai l'honneur de présenter à Votre » Majesté le duc d'Otrante, à qui elle doit sa cou-. >> ronne au moins autant qu'à ses alliés. » C'étaient, en effet, les basses manœuvres, les trahisons souterraines de ce vil personnage qui avaient paralysé les ressources dont la France pouvait encore disposer pour faire respecter son indépendance et le libre droit de choisir son gouvernement. Les Bourbons ont été ingrats envers lui. Après que la famille royale eut signé à son second mariage, il fut contraint de donner sa démission, relégué dans une ambassade secondaire, puis proscrit comme régicide, et il alla mourir, naturalisé autrichien, dans une ville autrichienne, emportant le mépris et le dégoût universels. On est tenté de considérer l'ingratitude à l'égal de la justice quand elle tombe sur de tels misérables.

Le 7 juillet, la veille de sa rentrée, Louis XVIII avait formé son cabinet, qui fut ainsi composé : Talleyrand aux affaires étrangères, Fouché à la police, le baron Louis aux finances, le maréchal Gouvion-Saint-Cyr à la guerre, le comte de Jaucourt à la marine, M. Pasquier à la justice avec l'intérim de l'intérieur; M. Beugnot eut les postes,

M. Decazes la préfecture de police. M. Dambray restait chancelier de France.

Le 10 juillet, les empereurs de Russie et d'Autriche, accompagnés du roi de Prusse, arrivèrent à Paris.

Qu'on était loin du mois d'avril 1814! L'enthousiasme, la confiance, l'affection avaient disparu du cœur de la population; chez le roi, l'effusion, la joie de la patrie et du trône recouvrés, le désir de se concilier les esprits les plus contraires avaient fait place au ressentiment, à la cclère, à la vengeance; chez les souverains étrangers, la courtoisie envers la nation française, l'estime respectueuse pour l'armée de la France étaient remplacées par une irritation profonde, un amer désappointement, un âpre besoin d'affaiblir, d'humilier cette incorrigible nation, qui venait de se faire la complice de Napoléon: il fallait à tout prix éteindre le dangereux foyer qui, tout à l'heure encore, menaçait toute l'Europe de ses flammes révolutionnaires. La France était un criminel, gracié et récidiviste, qui ne méritait plus aucune indulgence. Aussi n'en eut-on point.

La convention militaire de Saint-Cloud avait exigé que l'armée française se retirât derrière la Loire. Paris était donc complétement désarmé ; les étrangers s'y conduisirent comme en pays conquis. Les chefs-d'œuvre que le traité de 1814 avait régulièrement assurés à nos musées, les livres et les manuscrits rares et précieux devenus la légitime propriété de nos bibliothèques, et dont aucun acte officiel ne nous avait dépos

XXVI.

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