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plus prévoyants, pensaient déjà au lendemain et préparaient, par une ovation à l'ennemi vainqueur, l'avénement d'un pouvoir nouveau destiné à recueillir l'héritage de l'empire, non tombé encore, mais mortellement frappé. C'était le groupe des royalistes, composé d'hommes fort connus dans les salons parisiens, mais, sauf un peutêtre, tout à fait inconnus à la masse de la population qui ne se souvenait pas même du nom des Bourbons.

Vingt et une années s'étaient écoulées depuis le jour où Louis XVI avait subi la juste peine d'actes qui en tout temps et en tous pays ont été réputés criminels; déjà même, en 1793, il y avait plusieurs années que les autres princes de la maison de Bourbon ne comptaient plus pour la France, sauf les princes de Condé, qu'elle connaissait comme les chefs d'une troupe de Français combattant pour l'étranger contre la patrie; des enfants de Louis XVI, l'un était mort captif au Temple sans avoir ému l'attention publique comme on a voulu le faire croire depuis, au nom de souffrances assez réelles pour n'avoir pas besoin d'être exagérées; l'autre, échangée contre des prisonniers français, était complétement oubliée. L'opinion était restée indifférente même à l'exécution du duc d'Enghien, qualifiée plus tard d'assassinat, contre toute justice, car s'il y eut violation du droit des gens à l'arrêter sur un territoire neutre, on ne fit que lui appliquer les lois alors édictées contre les actes que ce duc avouait avec une sorte d'ostentation.

Que, durant cette longue période de temps,

les deux frères de Louis XVI eussent entretenu des agents à l'intérieur même de la France; que le frère aîné eût, depuis 1795, pris et porté le nom de Louis XVIII; qu'en certaines circonstances il se fût donné la satisfaction d'écrire des lettres ou des manifestes pour revendiquer ou maintenir son titre royal; qu'il eût successivement passé d'exil en exil, reculant toujours devant l'approche des armes françaises; qu'enfin il eût tenu, en ces dernières années, une sorte de cour in partibus dans le petit village d'Hartwell en Angleterre; tout cela, la France ne s'en était nullement inquiétée; elle l'ignorait même profondément. Parmi les familles qui avaient été le plus redevables à l'ancienne monarchie, plusieurs s'étaient ralliées à l'empire et avaient accepté des charges de domesticité dans la nouvelle cour; elles ont prétendu, depuis, avoir agi ainsi pour mieux servir le parti royaliste et mieux trahir la cause impériale jactance d'ignominie qui n'était ni dans leur esprit, ni dans la vérité.

Mais, à côté et en dehors de ces félonies en partie double, il resta quelques hommes qui, pendant toute l'époque impériale, se contentèrent de vivre, attendant, sans prévoir, les événements que pourrait apporter l'avenir.

Les désastres des armées françaises en 1812 et surtout en 1813, l'invasion de la France en 1814 ranimèrent naturellement les espérances des princes exilés et de leurs partisans demeurés en France.

Le 1er janvier 1814, le prétendant d'Hartwell publia une déclaration dans laquelle il promettait

de maintenir les corps administratifs et judiciaires, de conserver en place tous les fonctionnaires; d'interdire toute poursuite relative au passé, de garantir les grades, emplois, solde et appointements militaires; d'abolir la conscription; de laisser en vigueur le Code civil. Il invitait le Sénat « à apercevoir la destinée glorieuse >> qui l'appelait à devenir le premier instrument du >> rétablissement de la monarchie légitime, et à >> conquérir ainsi la plus solide comme la plus » honorable garantie de son existence et de ses >> prérogatives. » On ne pouvait tenter les défections et les trahisons par un appât plus puissant offert à toutes les cupidités et à toutes les basses passions. L'appel ne devait être que trop écouté quelques mois plus tard.

Au mois de février suivant, le comte d'Artois entra en France par Pontarlier, le duc d'Angoulême par Saint-Jean-de-Luz; l'un suivait l'armée russe, l'autre l'armée anglaise. Le duc de Berry passa d'Angleterre dans l'île de Jersey; mais comme, de ce côté, aucune armée étrangère n'avait pénétré sur le sol français, le duc attendit sur terre anglaise l'heure d'aborder en Bretagne, où l'on espérait réveiller l'esprit vendéen.

Les mêmes causes qui déterminaient ces expéditions princières provoquaient des réunions, des conciliabules entre les royalistes restés en France. Mais ceux-ci, que ne protégeait pas encore la présence des ennemis victorieux, durent se montrer prudents; chaque comité reconnut qu'il fallait agir mais ailleurs. On attendait que les alliés fussent arrivés; on agissait alors. Ce n'était

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pas tout à fait sans péril. A Troyes, deux royalistes que surprit dans cette ville un retour offensif de Napoléon, furent passés par les armes. Cet exemple fut le seul; encore s'en fallut-il de peu qu'il ne fût pas donné : le contre-ordre arriva trop tard.

On a beaucoup reproché aux Bourbons d'avoir été ramenés par l'étranger. Le reproche n'est pas rigoureusement juste. Sans doute, les Bourbons sont rentrés en France et remontés sur le trône à la faveur de l'invasion; mais, en s'armant contre Napoléon, en pénétrant sur le territoire de la France, aucun des souverains alliés n'avait la pensée de restaurer l'ancienne famille royale. Un seul parmi eux, l'empereur d'Autriche, aurait pu songer à venger Marie-Antoinette; mais, père de l'impératrice des Français, il devait être plus intéressé à maintenir la dynastie napoléonienne. Le prince régent d'Angleterre, qui avait seul manifesté quelque sympathie pour les Bourbons, lié par les exigences du gouvernement parlementaire, ne pouvait leur donner aucun témoignage officiel et devait suivre la politique commune des alliés. Or, longtemps même avant d'arriver en vue de la frontière française, les souverains coalisés avaient formellement et publiquement déclaré qu'ils faisaient la guerre non pas à la France, non pas même à Napoléon, mais seulement à l'ambition de Napoléon. Notre frontière franchie, la même déclaration avait été renouvelée; puis, toute tentative de négociation avec Napoléon ayant échoué, les souverains avaient déclaré qu'ils entendaient ne plus traiter

avec lui, mais que, lui excepté, les Français étaient libres de choisir tel gouvernement qu'il leur plairait : on n'excluait point par là le fils de Napoléon avec une régence. Il est même permis de croire que telle était l'éventualité prévue par les souverains en général et désirée par l'empereur d'Autriche particulièrement. En effet, la pensée d'une restauration des Bourbons, agitée auprès d'eux, avait trouvé le roi de Prusse fort indifférent et l'empereur de Russie très décidément hostile: Alexandre croyait les princes de l'ancienne maison royale parfaitement incapables de gouverner la France. Le premier ministre anglais, lord Castlereagh, et le commandant en chef de l'armée anglaise, lord Wellington, sans partager peut-être la sympathie du régent d'Angleterre pour la personne des princes français, croyaient que le retour des Bourbons pourrait seul garantir une paix solide. Toutefois, citoyens d'un Etat constitutionnel, ils observaient une complète neutralité, ne reconnaissant qu'à la France le droit de disposer d'elle-même.

Lors donc que le comte d'Artois vint se mettre à la suite de l'armée russe et le duc d'Angoulême à la suite de l'armée anglaise, ils ne purent obtenir d'être considérés autrement que comme de simples particuliers. Aucun caractère princier, officiel ne leur fut reconnu, aucun honneur ne leur fut rendu; ils vécurent dans le délaissement, sans pouvoir même arborer ostensiblement ni leur drapeau ni leur cocarde.

Si le parti royaliste était nul ou impuissant, si la coalition n'avait pas pour but, même caché,

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