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pas voir un enseignement Athènes et Rome s'affranchissent la même année des Pisistratides et des Tarquins; Polybe assiste, à quelques mois de distance, à la destruction de Carthage et à celle de Corinthe; dans le moyen âge, les occasions de comparaison facilitent le travail de la mémoire, un peu pénible au milieu de tant de diversités; les temps modernes doivent leur unité aux progrès simultanés des peuples: plus nous approchons des dates les plus récentes, plus la rigueur chronologique, avec l'indication des mois et des jours, devient nécessaire, si l'on ne veut pas altérer la valeur politique et morale des événements, confondre les effets et les causes, et rendre des peuples et des hommes responsables de malheurs ou de crimes dont eux-mêmes ils ont été victimes.

Nous avons quelques mots à dire sur les éléments qui ont servi à composer ce travail. Il n'est, il ne pouvait être qu'un ouvrage de seconde main. Des études patientes de plusieurs années nous ont sans doute permis de contrôler, de vérifier un très-grand nombre de faits et de dates aux sources mêmes, dans les documents originaux, de façon qu'avec un peu moins de sincérité, à l'aide de citations mises dans le texte ou en notes, nous aurions donné un vernis de science à un résumé tout pratique et élémentaire : nous ne citons jamais, nous formulons les faits connus ou qui méritent de l'être, nous n'enregistrons que ce qui est de notoriété publique dans l'histoire de chaque peuple. La tentation était grande de s'amuser aux curiosités, de recueillir des anecdotes, d'esquisser des vues générales, de s'essayer au rôle d'historien : nos collaborateurs de la Collection d'histoire universelle auront ce plaisir et cet honneur.

Le chronologiste anglais Clinton' nous a été d'un grand secours pour les temps grecs et romains jusqu'à Jésus-Christ: son livre est un type de chronologie savante; il n'omet aucune autorité pour les faits littéraires comme pour la politique et la guerre; nous nous sommes rarement séparé de lui, même quand il était en dissentiment avec le nouvel historien anglais de la Grèce, Thirlwall. Bossuet, dans la première partie de son Discours sur l'histoire univer

1. Fasti Hellenici, 3 vol. in-4°.

2. History of Greece.

selle, admirable récit, d'une éloquence entraînante, même sous la forme chronologique, avait pris pour base les années avant et après Jésus-Christ, et les années du monde. « Quant aux olympiades, il n'a pas voulu, dit-il à la fin de l'époque XII, en charger la mémoire du dauphin, quoique les Grecs qui s'en servent les rendent nécessaires à fixer les temps. » Nous, qui ne demandons à personne d'apprendre par cœur la série des olympiades, nous les avons gardées d'après Clinton, parce que la comparaison, soit avec l'ère romaine, soit avec l'ère vulgaire, ne peut que faciliter les études et abréger les recherches. La date de la création du monde, que Bossuet empruntait à l'archevêque d'Armagh, le savant Ussérius (Usher), le père de la chronologie biblique, est trop controversée pour qu'on puisse en faire le point d'appui continu d'un travail qui embrasse tous les peuples.

L'Art de vérifier les dates, qui a vieilli un peu pour la partie ancienne avant Jésus-Christ, la dernière faite par D. Clément, publiée seulement vingt-cinq ans après sa mort, en 1848, est un guide excellent pour toute l'époque du moyen âge, et pour une grande partie des temps modernes. « Pour peu qu'on jette les yeux sur l'ouvrage des bénédictins, l'imagination s'effraye de l'idée du temps, des travaux nécessaires pour rassembler, rédiger, coordonner tant de matériaux souvent incohérents et dont on n'a pu former un tout qu'à l'aide d'une rare sagacité et de la plus saine critique'. Il n'y a presque pas un détail dans leurs trois volumes in-folio (édition 1783-1787), dit M. Daunou, le meilleur juge en matière d'érudition, qui n'ait été attentivement et presque minutieusement vérifié. » Il ne faut cependant pas leur demander plus que ne comportait l'esprit de leur temps: en général, toutes les questions qui intéressent la liberté des peuples sont ignorées ou omises à dessein; ils oublient pour l'Angleterre la pétition des droits de 4629, comme le grand mouvement insurrectionnel des cités de Castille et de Valence au commencement de Charles V, comme l'histoire si agitée de la démocratie florentine. Pas un mot de William

1. Discours préliminaire de l'Art de vérifier les dales avant Jésus-Christ, édition 1819 in-8°, t. I, p. vij.

2. Cours d'études historiques, t. III, 13e leçon, p. 442-443.

Pitt, ni des grands partis de l'Angleterre : le ministre est cité pour la première fois quand il tombe à la fin de la guerre de Sept ans. De l'administration française sous Louis XV depuis la fin de la régence, on ne voit que la rivalité du clergé et du parlement, sans le duc de Bourbon, sans les favorites, sans le duc de Choiseul. En matière ecclésiastique, nous n'avons à désavouer ni à aggraver aucun de leurs jugements : leurs doctrines sont celles de Bossuet et de l'abbé Fleury qu'ils citent souvent.

Depuis les dernières années de l'époque de Louis XV, les béné dictins nous abandonnent; le point où ils s'arrêtent n'a guère été dépassé par l'historien Daunou dans les aperçus généraux qu'il consacre à chaque siècle. C'est à lui que nous avons emprunté la pensée de résumer chaque siècle en aperçus rapides : travail artificiel et à bien des égards insuffisant, parce que tous les peuples ne s'arrangent pas pour terminer leurs affaires juste à la dernière année d'un siècle et pour commencer une vie nouvelle avec une nouvelle période centenaire. Comme notre méthode chronologique ne nous donnait pas d'autre moyen de synthèse, nous nous sommes contenté de composer ainsi, tous les cent ans, un tissu des faits pour l'ensemble du monde : l'occasion nous a paru bonne en outre pour ressaisir certains traits de mœurs, des coutumes, des découvertes, des événements de l'histoire littéraire, utiles au développement de la civilisation, qui n'ont pas de dates rigoureuses. Nous avons puisé largement dans le texte même de M. Daunou' pour l'analyse des premiers siècles plus nous nous éloignons des temps anciens, moins nous gardons son texte et ses idées. La haine toute républicaine qu'il a vouée aux rois et aux conquérants, et les attaques qu'il dirige contre l'Église l'entraînent, malgré son impartialité ordinaire, dans de singulières fautes de jugement. Il parle d'Alexandre comme ferait un philosophe morose qui n'au rait pas étudié l'histoire, comme a fait le poëte qui l'envoie aux Petites-Maisons: on dirait qu'il ne frappe si fort sur le héros macédonien que pour atteindre Napoléon, son émule dans les temps modernes. Nous retournerons contre lui une de ses paroles; il

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a dit que la liberté serait encore nécessaire à l'histoire si elle n'était pas un besoin de la société 1. L'usage de la liberté impose l'obligation d'être juste: M. Daunou l'a rarement été à l'égard de l'Église.

L'année 1789 a été longtemps la date fatale que n'osaient pas franchir tous ceux qui auraient craint de passer pour hommes de parti. Nous sommes à l'abri d'un pareil reproche: les faits énumérés par ordre chronologique ne plaident pour personne; l'historien choisit, expose et juge, mais l'annaliste abstrait les faits des passions qui les ont produits, il les donne dépouillés de la forme vivante et des circonstances particulières qui portent témoignage pour ou contre leurs auteurs. Ce genre d'impartialité, qui consiste à tout dire, à ne rien dissimuler sciemment, à ne pas attaquer les morts, et, ce qui est plus difficile, à parler avec modération des vivants, vainqueurs ou vaincus, a fait défaut souvent même à de simples compilateurs qui n'avaient, comme nous, qu'à enregistrer des faits et des dates.

Depuis la révolution française une immense carrière s'est ouverte devant nous nous l'avons parcourue dans toutes ses parties, nous avons cherché les révolutions, les guerres, les transformations sociales partout où elles se sont accomplies, dans le nouveau monde comme sur le vieux continent, tant bouleversé depuis soixante-trois ans. En nous arrêtant au milieu de l'année 1852, nous touchons bien des questions graves récemment résolues ou qui attendent une solution prochaine. En France, une volonté énergique, appuyée du plus grand nom des temps modernes, a restauré le principe d'autorité. L'Autriche et la Prusse se réconcilient en adhérant ensemble, dans la diète de Francfort, à la convention diplomatique de Londres qui règle la question du duché de Holstein et reconnaît l'intégrité de la monarchie danoise. Les élections nouvelles du parlement britannique semblent avoir tué décidément le parti de la protection commerciale. La crise ministérielle de la Belgique est-elle l'abandon de la politique libérale suivie depuis 1847, politique qui a épargné une révolution à ce petit peuple de date si nouvelle, et dont l'existence

1. Cours d'études, p. 81.

importe à la paix du monde? Pendant que le jeune empereur d'Autriche visite triomphalement la Hongrie, reconquise par ses armes et par celles de la Russie, l'ex-dictateur des madgyares revient sans bruit des États-Unis en Angleterre, et pourra s'y rencontrer avec Rosas, cette autre puissance déchue, si longtemps redoutable sur les bords de la Plata, même à la France et à l'Angleterre. Si les républiques de Buenos-Aires et de Montevideo retombent dans l'anarchie ou sous le despotisme d'un maître, elles ne pourront plus s'en prendre à Rosas, à moins qu'un caprice de la fortune ou que le vœu des peuples ne le ramène, comme Santa-Anna, qui a ressaisi tant de fois le pouvoir au Mexique. Les États-Unis ont leur crise périodique d'élection présidentielle, qui est passée dans les habitudes pacifiques du pays: la candidature improvisée du général Pierce, l'élu de la convention démocratique de Baltimore, peut triompher par le désaccord des whigs, divisés entre le général Scott et M. Daniel Webster, ministre actuel dans le cabinet du président Fillmore. Cette puissante république, assise maintenant sur l'océan Pacifique, aussi bien que sur l'Atlantique, et que les mines de la Californie ont rendue un objet d'envie pour toutes les nations, ne vat-elle pas, d'ici à peu de mois peut-être, promener ses flottes victorieuses jusque sur les côtes du Japon, et ouvrir au commerce des peuples civilisés des deux mondes cet empire mystérieux où la religion même des chrétiens, malgré le zèle des missionnaires, pénètre moins que dans la Chine? Si près des Indes orientales, les Américains rencontreraient leurs anciens maîtres, qui sont sans rivaux dans le monde océanique, et qui, eux aussi, viennent de trouver un véritable Eldorado sur la terre tout anglaise de l'Australie. L'empire britannique des Indes, en s'avançant toujours au nord-ouest, au delà du bassin de l'Indus, sur la route du Turkestan, n'est pas loin des Russes, qui lancent déjà des bateaux à vapeur sur le lac Aral, et se sont montrés vers Khiva. La question de suprématie, engagée plus d'une fois entre ces deux puissances européennes au sujet de Constantinople, se débattra un jour, et sans médiateurs possibles, sur la terre asiatique.

Mais, ne nous faisons pas prophète : l'avenir n'est pas du domaine de la chronologie. Plus tard, si ce travail devait être continué, ceux de nos collaborateurs dont les volumes ne sont pas achevés aujour

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