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mention, a déployé tout-à-coup tous ses moyens d'extermination; et se reposant sur le nombre de ses légions, et peut - être encore plus sur nos divisions, semble avoir juré d'anéantir la France, et de se partager ses débris.

Il nous faut donc encore tremper notre plume dans le sang, et transmettre aux races futures ce nouvel enchaînement de crimes et de calamités, de malheurs publics et particuliers. Sans doute nous aurons des actions glorieuses, des triomphes à retracer, des traits d'un dévouement sublime à décrire, des espérances rassurantes à présenter à nos concitoyens. Et quel écrivain auroit le courage de conduire jusqu'à sa fin cette lugubre et déplorable histoire, s'il n'étoit soutenu par l'espoir que tant de maux auront un terme, que tant de folie ramenera vers la sagesse, et que ceux qui se jouent du sang des hommes se lasseront enfin de le répandre? Nous espérons qu'on trouvera dans ce volume le même courage à dire la vérité, que nous avons eu jusqu'à ce moment. Devons-nous la taire, parce qu'elle fera froncer le sourcil au crime et à la folie?

Il n'est peut-être pas hors de propos, avant d'entrer dans les détails des nouveaux évène.

mens qui nous restent à tracer, de donner ici un aperçu rapide de cette révolution si féconde en évènemens et en leçons de toute espèce, et de la reprendre jusqu'à ses pre

miers élémens.

Notre révolution est le résultat d'un assemblage de causes agissant depuis des siècles, et dont l'action, d'abord lente et insensible, ensuite rapidement accrue, et tout-à-coup fortement accélérée dans ces derniers tems, s'est trouvée secondée par un concours de circonstances, dont la réunion paroît un prodige. Le règne brillant et désastreux de Louis XIV, après avoir mis la France sur le bord de sa ruine termina par une banqueroute générale.. Louis xv mourut, non moins endetté que Louis XIV. Un jeune monarque lui succède. Il appelle à son secours l'expérience d'un ancien ministre disgracié. Maurepas, vieillard enfant, doué du don de plaire, gouverne comme il avoit vécu, pour s'amuser. La réforme des abus, l'économie, étoient les seules ressources capables de restaurer les

se

finances. Il parut y recourir, et mit en place un homme (Turgot) que la voix publique lui désignoit mais bientôt il l'arrêta dans les réformes qu'il vouloit opérer, et lui donna pour successeur un autre homme, estimé, laborieux, intègre, mais qu'il gêna également dans ses plans d'amélioration. Cependant il engagea la France dans une guerre étrangère, qui ne laissa au directeur des finances que l'alternative d'établir de nouveaux impôts, ou de proposer des emprunts. Ceux-ci se multiplient. M. Necker est renvoyé; et le ministère passe en différentes mains mal habiles, qui sont forcées d'abandonner ce pesant fardeau. M. de Calonne osa s'en charger; mais ce poids l'accabla. Il prit le parti désespéré, mais courageux, de convoquer une assemblée de notables, pour leur exposer les besoins de l'état. Alors fut déclaré le vide immense des finances, si fameux sous le nom de deficit. Un cri général s'éleva contre ce ministre. L'indignation publique n'eut plus de bornes : elle devint une arme formidable dans les mains du clergé et de la noblesse, que M. de Calonne vouloit ranger parmi les contribuables, en

attaquant leurs privilèges pécuniaires. Il succomba, parce que les clameurs des deux ordres furent secondées par la clameur popu laire, qui s'élevoit de toutes parts contre lui.

Ce fut alors qu'on reconnut tout l'empire

de cette puissance nouvelle, et désormais irrésistible, l'opinion publique. Elle avoit précédemment entraîné M. de Maurepas dans la guerre; et ce triomphe même avoit accru sa force. Les esprits clairvoyans avoient pu apercevoir déja, pendant cette guerre, quels immenses progrès elle avoit fait faire aux principes de liberté. Une singularité parti culière, et bien digne de remarque, les avoit fait reconnoître dans le traité avec les américains, signé par le monarque. Et l'on peut dire que les presses royales avoient en quel que sorte promulgué la déclaration des droits de l'homme, avant qu'elle le fut en 1789 par la première assemblée constituante. C'est ainsi que le despotisme s'anéantit quelquefois par lui-même et par ses ministres.

Observons ici que sous le règne de Louis XV, les esprits s'étoient tournés vers les objets utiles. Alors parurent les Voltaire, les Rousseau, les Montesquieu,

les Mabli, etc. Une philosophie éclairée et hardie ébranla la domination des prêtres. jusqu'en ses fondemens. On rechercha aussi les bases du contrat social, et les droits imprescriptibles, jusqu'alors méconnus des peuples détrônés. De même que la religion avoit ses abus, cette philosophie eut aussi sans doute les siens; car, hélas! le bien est toujours à côté du mal. Mais on ne peut nier qu'elle n'ait merveilleusement concouru à opérer la révolution, et à faire reconnoître à l'homme tous ses droits. Faut-il qu'elle n'ait pas aussi puissamment concouru à lui faire reconnoître ses devoirs?

M. de Brienne, archevêque de Sens, avoit remplacé Calonne. Il s'étoit servi des parlemens pour perdre ce dernier; ensuite, sur leur refus d'enregistrer des édits modelés sur ceux de son prédécesseur, dont il s'approprioit les plans, comme une partie de sa dépouille, il fit exiler les parlemens. Ceux-ci s'étoient rendus momentanément recommandables aux yeux de la nation, en demandant la convocation des étatsgénéraux, dont ils espéroient influencer la composition. Le ministre voulut éluder

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