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[Assemblée nationale législative.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 novembre 1791.]

quidateur par tous les décrets antérieurs de I
l'Assemblée constituante: et ne serait-ce pas la
calomnier que de lui supposer à l'égard des
offices supprimés sous l'ancien régime, et dont
quelques titulaires auraient eu le courage de
résister à ses abus oppressifs, une déviation de
ses principes de justíce, de ces principes qui ont
mis sous la sauvegarde de l'honneur et de la
loyauté de la nation les créanciers de l'Etat, et
spécialement l'exécution de la loi de 1771, et des
lettres patentes de 1780, en faveur de tous les
propriétaires qui ont loyalement satisfait à ces
deux lois ?

Et, sans doute, nouveaux les agents de cette liquidation ne pourraient que repousser eux-mêmes avec indignation toute idée d'un autre mode; et qui pourrait encore sous le régime de la liberté, sans se pénétrer de ce sentiment, se rappeler les usages odieux d'une administration perverse qui, déshonorant le trône, avait appelé autour de lui toutes les vengeances?

Mais encore convient-il à leur délicatesse de pouvoir marcher avec assurance, de ne point dépasser le cercle de la loi; et pourraient-ils ne pas être arrêtés par exemple sur le fait de quelques années de centième denier, expirées depuis la loi de suppression, de quelques titulaires qui en avaient acquitté le rachat en exécution des lettres patentes de 1780?

Et d'ailleurs l'Assemblée constituante ellemême, en décrétant des suppressions, après l'expiration des huit années acquittées depuis 1780, aurait elle pu, sans avoir encore pris connaissance de l'arriéré, penser qu'il y eût à cette époque des propriétaires qui les eussent acquittées sans jouir de leurs offices?

L'Assemblée constituante n'a donc pu, dans son décret du 21 septembre, s'occuper de ce cas particulier; et comment MM. de la Trésorerie pourraient-ils liquider le remboursement de ces années, sans jouissance, s'ils n'y sont spécialement autorisés !

Pour qu'une loi puisse faire jouir promptement de ses bienfaits ceux qu'elle concerne, il faut qu'elle prévienne le plus léger doute.

Et la loi projetée n'aurait point complètement cet avantage, si elle ne pouvait écarter jusqu'à l'ombre de ceux que l'on vient d'exposer ici. Peut-être que pour les dissiper, après les mots « les commisdu troisième article du projet : saires de la Trésorerie procéderont aux dites liquidations, conformément au décret du 21 sepceux-ci: Et aux bases consacrées tembre par les décrets antérieurs » pourraient suffire. Mais on prend ici la liberté de proposer un amendement que l'on croit pouvoir prévenir toutes difficultés :

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Quant aux offices soumis à l'évaluation prescrite par l'édit de février 1771, et dont le remboursement aux termes de la loi du 21 septembre 1791, doit être opéré de la manière prescrite par les édits de suppression, l'Assemblée nationale décrète qu'ils soient liquidés, d'après les bases consacrées et posées par les décrets antérieurs à la loi du 21 septembre 1791, et que les intérêts du montant des évaluations seront payés par la caisse de l'extraordinaire aux propriétaires desdits offices, à compter du jour que les gages y attribués auront cessé d'être employés dans les états du roi, sauf la déduction des retenues fixées par les lois de suppression des offices dont il s'agit, et qu'il leur sera remboursé par la même caisse le montant des années de centième denier, échues postérieurement à la

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suppression de leurs offices, et qui, par l'effet du
rachat fait en exécution des lettres patentes de
1780, se trouvent avoir été payées à l'avance. »

ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE.

Séance du dimanche 27 novembre 1791.
PRÉSIDENCE DE M. LACÉPÈDE, vice-président.

La séance est ouverte à neuf heures du matin. M. Lemontey, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du samedi 26 novembre, au matin.

M. Lemontey, secrétaire, fait lecture d'une notice abrégée des lettres, adresses et pétitions, envoyées à l'Assemblée: elles ont été renvoyées aux divers comités qui doivent en connaître et qui ont été chargés d'en faire le rapport.

1° Pétition des comédiens des spectacles de Lyon, Marseille, Rouen, Nantes, Brest, Toulouse, Montpellier, Strasbourg, Lille, Metz, Dunkerque, Orléans ét Grenoble qui réclament contre les décrets rendus en faveur des auteurs dramatiques et demandent qu'ils ne puissent exiger aucune rétribution sur les pièces imprimées et gravées. (L'Assemblée renvoie cette pétition au comité d'instruction publique.)

2° Pétition du sieur Dubois qui demande la décoration militaire, et l'emploi en récompense de ses services.

(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité militaire.)

3° Lettre du sieur Regnier, qui présente des vues d'utilité publique sur les hôpitaux.

(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité des secours publics.)

4° Lettre du sieur Maurat, qui présente un mémoire relatif au mode à adopter pour constater les naissances, morts et mariages..

(L'Assemblée renvoie ce mémoire au comité de législation.)

5o Lettre de M. Tarbé, qui remet une lettre du directoire du département de la Moselle, accompagnée de deux mémoires tendant a obtenir la faculté d'exporter, comme par le passé, de la mine de fer à la destination du pays de Luxembourg.

(L'Assemblée renvoie ces pièces aux comités d'agriculture et de commerce.)

6 Lettre des officiers municipaux de Caen, qui remettent une suite des délibérations qui ont été prises relativement aux événements arrivés en cette ville le 5 de ce mois; ils promettent de faire parvenir incessamment le surplus de la procédure.

(L'Assemblée renvoie les pièces au comité de législation.)

70 Pétition des artistes non académiciens, qui demandent que l'Assemblée veuille bien entendre le rapport du comité d'instruction publique, relatif à la répartition des travaux d'encouragement accordés par le Corps constituant.

(L'Assemblée décrète que ce rapport sera entendu mardi soir.)

8° Pétition du sieur Dugas, qui offre à l'Assemblée six volumes formant la suite de la collection des décrets du Corps constituant, et demande d'être autorisé à continuer la collection des décrets de l'Assemblée législative, avec per

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mission de prendre copie des décrets sur les procès-verbaux.

(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable au procès-verbal du don offert par M. Dugas et renvoie sa pétition au comité des décrets.)

9° Lettre du sieur J.-L. Bourdon, qui fait hommage à l'Assemblée de divers mémoires contennant un projet d'organisation pour le commerce des grains.

(L'Assemblée renvoie ces mémoires au comité des finances.)

10° Lettre de M. Delessart, ministre de l'intérieur, qui remet à l'Assemblée les pièces relatives à l'emplacement de l'administration du district de Saumur.

(L'Assemblée renvoie les pièces aux comités des domaines et de division réunis.)

11° Deux lettres de M. Deless art, ministre de l'intérieur, et une pétition relative à des difficultés élevées sur des élections de membres de quelques corps administratifs.

(L'Assemblée renvoie ces trois pièces au comité de division.)

12 Lettre de M. Delessart, ministre de l'intérieur, relative à l'établissement du séminaire de Douai, composé de deux séminaires réunis, dont un n'est fondé que pour des étrangers, et à la tête duquel le supérieur demande à rester sans être obligé de prêter serment.

(L'Assemblée renvoie cette lettre aux comités diplomatique et d'instruction publique réunis.)

13° Lettre de M. Delessart, ministre de l'interieur, qui remet une lettre du directoire du département des Basses-Pyrénées, avec un procèsverbal de l'apposition des scellés sur les greffes et dépôts de la chambre des comptes ci-devant attachée au parlement de Pau.

(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité des domaines.)

14° Lettre du procureur général syndic du département de l'Hérault, renfermant une pétition de la municipalité de Montpellier, qui demande que les préposés au recouvrement des impositions et autres droits publics soient autorisés à établir garnison militaire chez les redevables, jusqu'au parfait payement de leurs parcelles, sans préjudice des voies indiquées par la loi. (L'Assemblée renvoie cette pétition au comité des contributions publiques.)

15° Adresse des administrateurs du département de l'Aisne, dans laquelle ils félicitent l'Assemblée nationale d'avoir porté une loi qui prouve son courage; ils applaudissent aussi au dernier acte par lequel le vertueux Louis XVI a attesté sa liberté, sa bonne foi, son amour pour la Constitution, et ils pensent d'après cela qu'on ne doit pas craindre que la liberté et la Constitution ne soient maintenues.

(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de cette adresse dans le procèsverbal.)

16° Adresse du département de la Meurthe, qui demande une loi sur les mariages mixtes.

(L'Assemblée renvoie cette adresse au comité de législation.)

17 Lettre des membres du bureau de paix de Reims, relative à des réclamations faites par divers ouvriers.

Plusieurs membres : L'ordre du jour!
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)

18. Pétition des officiers suisses au service de la France, qui demandent une indemnité pour

les franchises dont ils jouissaient, et dont ils seront privés par le nouveau mode d'imposition. Ils observent que les traités leur assuraient l'affranchissement de toute imposition, et que sur cette espérance ils ont acquis de grands biens. Les privilèges ont été détruits, et les droits des Suisses, qui en différaient essentiellement, ont subi la même suppression malgré la garantie sacrée que les privilégiés n'avaient point à faire valoir comme eux. Les Suisses réclament auprès de l'Assemblée des droits et non des privilèges; ils attendent avec soumission et respect les égards qu'elle aura pour leur juste réclamation.

(L'Assemblée renvoie cette pétition aux comités militaire et des contributions publiques réunis.) 19 Adresse de plusieurs citoyens de Blois qui félicitent l'Assemblée du décret qu'elle a rendu contre les émigrants: cette adresse est ainsi conçue :

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«Le 21 novembre 1791, l'an troisième de la liberté.

Législateurs, la Perse, l'Egypte et la Grèce même ne sont longtemps demeurées libres que par la sagesse et la rigueur de leurs lois. Celle que vous venez de porter sur cette horde d'émigrants, conspirateurs désespérés, se couvrant d'opprobre et d'infamie, s'efforçant de porter les horreurs de la guerre dans leur patrie qui, les ayant engendrés dans un siècle de fer, dans des jours de malheurs et de malédiction, s'obstinait à les aimer avec tendresse, et à les protéger avec bonté, à s'épuiser pour eux en largesse dont ces monstres se faisaient criminellement une arme terrible pour déchirer le sein qui les avait portés et nourris, et pour lui donner la mort. Oui, législateurs, la terreur dont vous venez de frapper ces ennemis fixe à jamais notre incertitude sur la confiance que nous vous avons donnée.

"

Jusque-là, nous étions dans l'attente; mais aujourd'hui nous vous proclamons dignes de représenter un grand peuple. Ce mouvement de force et d'énergie, cet amour de bonheur, ce plan de courage au milieu des furieux qui vous entourent, deviennent les principes de votre immortalité, et nous invitent à tout espérer de ces vertus morales qui établissent votre caractère dans l'opinion publique. Elles deviennent pour l'Empire français l'augure de la félicité, le garant de la liberté reconquise à tant de frais, de troubles et de privations.

Responsables de ce bien suprême, vous l'assurerez sans doute par tous les moyens qui vous sont confiés, autrement vos premières mesures ne seraient qu'une chimère qui noterait vos décrets de nullité, laquelle, s'étendant nécessairement sur vos personnes, anéantirait le pouvoir national dont vous avez juré de maintenir la réalité. Dignes législateurs, les citoyens de Blois n'oublieront jamais ce qu'ils vous doivent, leur attachement pour vous est aussi respectueux qu'inviolable. "

(Suivent les signatures.)

(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de cette adresse dans le procèsverbal.)

20° Lettre de M. Sirey, vicaire du département de la Dordogne, qui demande que les paroisses aient la faculté de nommer leurs pasteurs, parmi les laïques, conformément à l'usage primitif de l'Eglise, et sauf l'ordination de l'évêque; cette lettre est ainsi conçue :

« Messieurs,

« C'est un fait commun à tous les départements et qu'il vous est aisé de vérifier. Les séminaires se garnissent presque exclusivement de laboureurs qui abandonnent le hoyau, d'artistes qui désertent leurs ateliers, de bras cassés qui ont couru le monde, d'hommes immoraux que rejette l'ordre civil. Presque tous les jeunes gens qui ont reçu, dès le bas âge, une éducation soignée, sont écartés de l'état ecclésiastique. Les uns, parce qu'ils appartiennent à une classe ennemie du nouveau régime; d'autres, par déférence pour une autorité qu'on leur apprit à respecter et qu'ils ne savent pas apprécier; d'autres encore, parce qu'ils n'osent se confier dans la stabilité du régime actuel; d'autres enfin, parce qu'ils croient que les erreurs de la superstition et les attentats du fanatisme ont flétri et déshonoré le sacerdoce.

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Législateurs, si vous croyez utile d'étayer vos lois de la sanction du ciel, ayez des prêtres qui inspirent de la confiance. Si vous voulez bannir l'ignorance des campagnes, procurezleur des curés instruits. Si vous voulez que le bon paysan arrive au bonheur par la vertu, proposez à son institution des hommes de mœurs pures. (Applaudissements.) Mais comment les campagnes pourront-elles avoir de tels curés? Sera-ce en les choisissant parmi tous les prêtres du diocèse, ainsi que le porte la constitution civile du clergé ? Non, tous les prêtres assermentés ne suffisent pas pour remplir les cures vacantes. Il est donc, et il sera longtemps impossible de choisir. Qu'importe, d'ailleurs, de ne pouvoir choisir dans la totalité des prêtres, si la masse ne peut être pure?

"Je penserai, Messieurs, que le peuple de chaque village doit être autorisé à se choisir un curé parmi tous les braves citoyens qu'il connaitra, même parmi les laïques au-dessus de 30 ans (Applaudissements), sauf à l'évêque à les ordonner ensuite. Tel était l'usage primitif de l'Eglise, même pour les évêques, dans les beaux siècles de la religion; l'état de prêtre n'était pas un métier. On était élevé au sacerdoce par la confiance du peuple. On ne l'exerçait que pour son édification. Que les curés, que les vicaires soient choisis sur la totalité des citoyens, et alors il sera possible que tous, ou le plus grand nombre, soient des hommes de mérite; alors même toutes les paroisses pourront aisément en être pourvues, alors encore chaque commune pourra jouir complètement du droit naturel, garanti par la Constitution, d'exercer le culte auquel elle sera attachée et d'en élire le ministre. Alors enfin, et le point est important, il vous sera possible, il vous sera utile de confier aux ministres de la religion l'instruction civile que vous préparez aux campagnes. (Applaudissements.)

"Le moyen que je vous propose, Messieurs, peut faire naître quelques mouvements relativement aux évêques et relativement à l'opinion; mais vous trouverez sans doute, dans les évê

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(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de législation.)

M. Couthon, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du samedi 26 novembre au soir.

(La lecture de ce procès-verbal donne lieu à une légère discussion sur la rédaction d'un des articles décrétés sur le remplacement aux emplois vacants dans l'armée.)

M. Couthon, secrétaire, donne lecture :

1° D'une adresse de M. Philippeaux, vice-président du district du Mans, qui fait hommage à l'Assemblée d'un ouvrage intitulé : Projet dě législation civile.

(L'Assemblée accepte cet ouvrage et en renvoie l'examen au comité de législation.)

2o D'une lettre de M. Louis Amable Lacroix, cidevant frère lai, récollet, qui demande que sa pension de 300 livres lui soit conservée après le mariage qu'il est près de contracter.

Un membre: Je demande qu'on passe à l'ordre du jour; aucune loi n'empêche la continuation du payement des religieux et ecclésiastiques qui sont dans le cas du pétitionnaire.

M. Gérardin. Oui, en le motivant. (Non! non!) (L'Assemblée passé à l'ordre du jour.)

M. Saladin, au nom du comité de légistation fait un rapport sur la pétition des dames Morin et Delattre, renvoyée hier matin (1) au comité de législation et tendant à obtenir la faculté de voir et d'entretenir, dans la prison de l'Abbaye, le sieur Delattre, leur gendre et leur époux; il s'exprime ainsi :

Messieurs, dans votre séance du 24 de ce mois, vous avez prononcé un décret d'accusation contré le sieur Delattre, prévenu du crime de lèse-nation. En exécution de ce décret, le sieur Delattre a été conduit à l'Abbaye, les scellés ont été mis sur ses papiers. Une mère, âgée de 92 ans, une femme, accablée par la douleur et les infirmités, privées, l'une d'un fils, l'autre d'un époux, toutes deux prêtes à succomber au désespoir, vous demandent la faveur de voir, d'entretenir le sieur Delattre. Des motifs puissants sollicitent en leur faveur. Les poursuites de créanciers inhumains qui saisissent le moment de la captivité de M. Delattre, le dérangement de ses affaires, l'ignorance de deux femmes à qui elles sont étrangères, tout se réunit pour attendrir les cœurs sensibles. La nécessité de concilier les sentiments d'humanité et de commisération avec la sévère justice, vous a déterminés à renvoyer cette pétition au comité de législation pour examiner s'il vous était permis de céder à l'émotion qu'elle avait excitée parmi vous.

Votre comité a dù considérer la question contenue en cette pétition dans tous les rapports qu'elle peut avoir, soit avec la sévérité des règles dont le maintien importe essentiellement à la tranquillité et à la sûreté publique, soit avec les

(1) Voyez ci-dessus, séance du 26 novembre au matin, page 376.

égards dus à un citoyen accusé, mais non encore jugé coupable; à un citoyen à qui de fortes présomptions ont imposé le sacrifice momentané de sa liberté, mais dont la loi ne peut aggraver le sacrifice par des rigueurs inutiles pour la sûreté publique.

En s'attachant à cette première considération, votre comité a dû regretter que le temps ne lui ait pas permis de fixer votre attention sur les dispositions qui doivent compléter les lois relatives à la poursuite des accusés traduits devant la haute cour nationale.

Votre comité a vu avec douleur que les longueurs qu'entraînait la convocation de la haute cour nationale, laissaient un long intervalle entre l'arrestation du citoyen prévenu du crime de lèse-nation, et le moment où la justice devait, par une prompte instruction, håter son juge

ment.

Plusieurs membres : Le projet de décret !

M. Saladin, rapporteur. Réduit à envisager la question sous le point de vue qu'elle offre, votre comité s'est demandé si le Corps législatif, autorisé par la Constitution à prononcer le décret d'accusation, pouvait, après l'avoir prononcé, adoucir la captivité de l'accusé que ce décret livrait au jugement de la haute cour nationale; il s'est demandé s'il lui appartenait de lui accorder la liberté de recevoir ses parents, ses amis, ses conseils, dans l'intervalle nécessaire entre l'arrestation et le moment de la réunion de la haute cour nationale. Il s'est dit que s'il est des cas où le secret soit essentiel, c'est surtout lorsqu'il s'agit de crimes qui intéressent la sûreté de la patrie. Mais il pense que si le Corps législatif est chargé, par la Constítution, de prononcer le décret d'accusation, il doit borner là l'exercice de son pouvoir; il ne peut aggraver la rigueur de la loi dans une instruction qui doit autant servir à faire éclater l'innocence d'un accusé qu'à venger les atteintes portées à la Constitution. La loi constitutionnelle veut que la représentation de l'accusée ne puisse être refusée à ses parents et à ses amis, porteurs de l'ordre de l'officier civil, qui doit le donner dans tous les cas. D'après cela, le décret d'accusation porté contre le sieur Delattre, peut-il légitimer la rigueur du secret?

Cela a conduit votre comité à considérer l'espèce dans laquelle se trouvait le sieur Delattre, et rapprochant du décret prononcé contre lui, le décret prononcé contre le sieur Varnier, il a reconnu entre eux une différence qui devait nécessairement en apporter une dans le sort de ces deux accusés. En effet, Messieurs, l'un de ces décrets dit que l'accusé sera mis au secret et l'autre ne contient point cette disposition. De là la conséquence qu'a tirée votre comité, que la rigueur du secret ne pouvait être opposée au sieur Delattre. Vous devez surveiller sans doute l'exécution de la loi; mais soigneux de vous renfermer dans les limites qu'elle vous prescrit, vous devez toujours accorder à l'accusé les adoucissements que la loi ne lui refuse pas.

En vous proposant de reconnaitre ces principes et leur application à l'espèce dans laquelle se trouvent les pétitionnaires, votre comité se garde bien de vous proposer de faire vous-mêmes cette application. Les petitionnaires trouvent écrits dans la loi, et les droits dont on ne peut les priver, et le moyen de s'en assurer l'exercice en s'adressant au pouvoir que la loi a chargé de les en faire jouir. Tels sont les motifs qui ont déter

miné le projet de décret que je vous propose : (Ah! ah! Enfin !)

« L'Assemblée nationale, considérant que l'article 15 du chapitre V de l'Acte constitutionnel, porte que la représentation de la personne du détenu ne peut être refusée à ses parents et amis, porteurs de l'ordre de l'officier civil, qui sera toujours tenu de l'accorder, à moins que le gardien du détenu ne représente une ordonnance du juge, transcrite sur son registre, pour retenir l'accusé au secret; que le décret d'accusation contre le sieur Delattre, ne porte point qu'il sera tenu au secret,

« Décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la pétition des dames, mère et épouse du sieur Delattre.

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M. Chéron-La-Bruyère. Je demande que M. le rapporteur rende compte d'un fait particulier qui s'est passé hier au comité de législation, et qui tient à cette affaire.

M. Thuriot. Je m'oppose à ce qu'on rende compte de ce fait et voici mon motif, c'est que le particulier qui s'est présenté au comité, n'y est connu de personne, et qu'après avoir voulu inculper un membre de l'Assemblée, interpellé de déclarer s'il connaissait ce membre, il a franchement dit qu'il ne le connaissait pas.

M. Vergniaud. Il ne faut point mêler ces deux objets; je demande que l'on s'occupe d'abord du projet de décret du comité, et l'on passera ensuite à l'autre question.

M. Saladin, rapporteur. Le comité de législation ne m'ayant pas chargé expressément de rendre compte du fait, j'attendrai les ordres de l'Assemblée.

(L'Assemblée décide que M. Saladin lui rendra compte du fait.)

M. Saladin, rapporteur. Au moment où votre comité s'occupait de l'affaire de M. Delattre, on est venu annoncer qu'une dame très âgée demandait à entrer; cette dame a été introduite; c'était la dame Morin, belle-mère du sieur Delattre, qui a déclaré être âgée de 92 ans. Elle a exposé la situation dans laquelle se trouvait la daine Delattre, sa fille, qui, vu son état, n'avait pu se rendre au comité. Le conseil officieux qui l'accompagnait est entré dans de grands détails sur l'affaire de M. Delattre. Il a annoncé qu'un membre du comité de surveillance s'était présenté chez Me Delattre, se disant chargé d'une mission de l'Assemblée, et qu'il y avait eu des explications sur lesquelles il parait que la discrétion de ce défenseur officíeux ne lui a pas permis de s'expliquer et dont il n'a pas voulu rendre compte au comité; voilà le fait tel que j'en ai connaissance.

Un membre: L'a-t-il nommé?
M. Saladin, rapporteur. Non.

M. Chéron-La-Bruyère L'a-t-il désigné? M. Saladin, rapporteur. Il ne l'a point désigné de manière à ce qu'on put vous en rendre compte, il a annoncé seulement que s'il le voyait, il le reconnaitrait. (Murmures.)

M. Becquey. Le comité de législation vous propose de laisser à M. Delattre la jouissance du droit naturel que la loi lui accorde, de communiquer avec sa famille avec les précautions que le juge de paix croira devoir prendre. Il vous observe qu'il a remarqué une différence dans le décret relatif à M. Varnier, qui porte précisément qu'il sera tenu au secret, tandis que la même

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Je sais que le décret relatif à M. Varnier porte la rigoureuse disposition qu'il sera tenu au secret; et qu'au contraire le décret contre M. Delattre ne la contient point. Je sais même qu'il peut être utile pour l'instruction et pour la connaissance que vous avez le droit d'avoir du genre de crime dont il est accusé, lui et ses complices, que l'Assemblée nationale fasse prendre, jusqu'à ce que la haute cour nationale soit convoquée, toutes les mesures nécessaires pour cette grande procédure.

Vous voyez que M. Varnier est malade, et que, cependant, il est tenu à un rigoureux secret. Il a une mère au désespoir avec laquelle il demande de communiquer. Je vous rappellerai la motion que fit hier M. l'abbé Fauchet, et qui fut unanimement applaudie par l'Assemblée nationale; il demandait que M. Delattre allât voir sa mère et son épouse en présence du juge de paix. Accordez la même faveur à M. Varnier; sa mère n'est pas à Paris, autorisez-le à lui écrire, en communiquant ses lettres au juge de paix.

A cette occasion, je ferai une seconde motion importante, relative à l'affaire de M. Varnier, et pour laquelle je réclame encore un instant d'attention.

Vous savez que M. Basire croyait avoir reçu de M. Vollon, serrurier à Auxonne, la lettre attribuée à M. Varnier, et celle qui l'accompagnait; Vous savez que M. Vollon a déclaré authentiquement à sa municipalité qu'il était très étonné de recevoir une lettre de remerciement de M. Basire, qu'il ne lui avait jamais écrit, jamais envoyé de lettre de M. Varnier; vous savez que, d'après cela, M. Basire vous a donné lecture de la lettre d'envoi qu'il croyait être de M. Vollon, et qu'il est dit dans cette lettre que M. Basire né la recevra pas par la poste, parce qu'il ne connaît pas son adresse à Paris, et que la lettre lui sera remise par un consin de M. Vollon. M. Basire a omis de nommer à l'Assemblée nationale le par

ticulier qui lui a remis la lettre. Il est cependant essentiel pour la nation que ce particulier soit connu, soit que M. Varnier soit coupable, soit qu'il soit innocent. C'est un grand moyen de découvrir la vérité dans la procédure qui va avoir lieu. Je fais donc la motion expresse que M. Basire soit invité à déclarer à l'Assemblée le nom du particulier qui lui a remis les lettres relatives à M. Varnier.

Un membre Je demande la question préalable sur la motion de M. Becquey; c'est à la haute cour nationale à juger si la lettre d'envoi est ou non du sieur Vollon, et quant au projet du comité, je demande qu'on passe à l'ordre du jour.

M. Thuriot. Si le comité de législation n'avait exposé ses motifs que pour déclarer qu'il n'y avait pas lieu à délibérer sur la demande de lå dame Delattre, je ne parlerais pas contre la proposition du comité; mais ces motifs étant contraires à la loi, je m'y oppose. Sans doute, il est beau de plaider la cause de l'humanité; sans doute, il est beau de plaider la cause d'une épouse, d'une mère de 92 ans qui demande avec des larmes, à communiquer avec son fils; mais il faut que la raison se mette en garde contre les séductions du sentiment. Quelle que soit la force des raisons d'humanité invoquées par le comité, elles sont insuffisantes pour rendre inutiles les dispositions de la loi. On a éludé le point principal de la question qui était de savoir si, après un décret d'accusation, équivalent à un décret de prise de corps, on peut, avant l'interrogatoire subi, communiquer avec l'accusé.

Pour juger cette question, il faut consulter les lois; elles sont expresses à cet égard. L'ordonnance criminelle porte précisément qu'après le décret et la détention, on ne peut communiquer avec l'accusé que lorsqu'il a subi l'interrogatoire. Les motifs de la loi sont fondés sur l'intérêt public et l'Assemblée constituante n'a rien changé à cette disposition dans les lois qu'elle a faites sur la jurisprudence criminelle. Sans doute il est cruel pour vous de résister à ce que le sentiment vous demande, mais si le sentiment est contraire à la loi, il faut suivre la loi de préférence. Elle exige de vous que vous ne permettiez au sieur Delattre aucune communication avant son interrogatoire. Je demande donc la question préalable sur le projet de décret du comité de législation, ou plutôt qu'il soit déclaré qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la demande de la dame Delattre, sans en expliquer les motifs.

M. Vergniaud. J'ai entendu avec peine le préopinant dépasser, par la rigueur de ses principes, les bornes prescrites par la loi. S'il est vrai de dire qu'un décret d'accusation équivaut à un décret de prise de corps, quant à la liberté de l'accusé, il n'est pas vrai de dire que ce soit un véritable décret de prise de corps. (Murmures et interruptions.) Il est si vrai que le décret d'accusation n'est pas un décret de prise de corps que le tribunal de la haute cour nationale, d'après les charges, doit prononcer s'il y a lieu ou non à un décret de prise de corps. S'il faut raisonner d'après l'ancienne ordonnance criminelle, on ne peut appliquer la rigueur au décret d'accusation, puisque le décret d'accusation n'a pour but que de s'assurer de la personne de l'accusé, et que la haute cour nationale doit lancer le décret de prise de corps; le décret d'accusation, rendu contre M. Varnier, porte qu'il sera tenu au secret. Mais il est très étonnant que M. Delattre

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