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HISTOIRE ET DESCRIPTION

DE TOUS LES PEUPLES,

DE LEURS RELIGIONS, MOEURS, COUTUMES, ETC.

ITALIE,

PAR M. LE CHEV" ARTAUD,
MEMBRE DE L'INSTITUT.

POUR écrire l'histoire de l'Italie moderne, de ses révolutions, de ses mœurs, de ses coutumes, de ses lois, on ne saurait choisir un point de départ plus précis que l'époque où régna Constantin, époque où la religion chrétienne, arrachée de la main des bourreaux, fut revêtue de la pourpre impériale. Pour comprendre exactement la division actuelle de l'Italie, il faut l'avoir connue quelque temps compacte, une, obéissant à un seul maître.

Constantin, fils de l'empereur Constance Chlore, était né à Naïsse, en Dardanie. Il ne négligea pas l'étude des lettres, quoiqu'il dût s'adonner à la profession des armes. Son caractère le portait à la libéralité et à la magnificence : la fortune secondant son habileté, son courage et sa générosité, il devint, dans la politique et dans la guerre, le premier homme de son siècle. Il succéda, le 25 juillet 306 de Jésus-Christ, à la partie de l'empire que son père gouvernait dans la Grande-Bretagne et dans les Gaules. Après avoir vaincu plusieurs de ses rivaux qui voulaient Ire Livraison. (ITALIE.)

partager avec lui l'autorité sur divers autres points de la domination romaine, il marcha hardiment contre Maxence, qui était en possession de Rome.

Vainqueur de cet autre empereur, l'an 312, il s'empara facilement de la capitale du monde qui, du haut de ses collines, avait pu voir la lutte des deux concurrents. Déterminé à établir d'une manière qui frappât le peuple, et à consolider dans des circonstances remarquables, la puissance des doctrines de la religion chrétienne qu'il avait embrassée, il ne monta pas au Capitole pour rendre graces à Jupiter, mais il accepta le titre de souverain pontife, titre créé par Numa, titre qu'il fallait bien se garder de séparer trop tôt de l'autorité impériale, et que ne refusèrent pas quelques-uns de ses successeurs.

On a émis plusieurs sentiments sur les raisons qui décidèrent Constantin à transporter plus tard, dans Byzance, le siége de l'empire. On a cru qu'il trouvait dans Rome mal soumise, des dispositions à protéger encore long

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temps les cérémonies du paganisme : on a pensé que les nations appelées Barbares du Nord par les Romains, menaçaient continuellement l'Italie d'invasions et de représailles on a supposé que l'empereur croyait rencontrer à Byzance, plus dévouée, moins de difficultés pour assurer le triomphe solennel du nouveau culte. Quelle qu'ait été l'opinion du prince, il fit son entrée à Byzance en 324, et il ordonna en 330 des fêtes pour célébrer la dédicace de cette nouvelle métropole.

Constantin mourut en 337, après avoir terni l'éclat de beaucoup de vertus par quelques crimes, et surtout par la mort de Crispus, l'un de ses fils, faussement accusé.

Le testament politique de Constantin prouve quelle était l'étendue de l'empire romain. Il le divisa en cinq parts qu'il attribua à ses trois fils et à deux de ses neveux. Constantin, l'aîné, devait recevoir les Gaules, l'Espagne, et la Grande-Bretagne; Constantius Flavius, le second fils, l'Asie, la Syrie et l'Égypte; Constant, le 3 fils, l'Illyrie, l'Afrique et l'Italie; Delmace, un de ses neveux, la Thrace, la Macédoine et l'Achaïe; et enfin Annibalien, le Pont, l'Arménie et la Cappadoce. Constantin-le-Grand avait été aussi puissant qu'Auguste et que Trajan. Magnence, né en Germanie, l'un de ces étrangers à qui on accordait si volontiers les droits de citoyen romain, et qui, après avoir habité Rome, ne voufait plus accepter pour séjour un autre climat, infidèle à Constant, dont il commandait les gardes, conçoit le projet de lui succéder, et dévoile sa conspiration avec une audace qui n'avait pas eu d'exemple: il apparaît tout-à-coup dans un festin, revêtu de la pourpre, et il ordonne de massacrer Constant. L'empereur trahi fuit en Espagne ; mais atteint vers les Pyrénées, il est mis à mort par des assassins envoyés à sa poursuite.

Magnence à son tour est attaqué et défait par un frère de Constant, le second fils du grand Constantin. Flavius accourt de l'Egypte qui lui était tom

bée en partage, et réunit successivement, sous un seul sceptre, toutes les provinces que son père avait dispersées en tant de mains. Mais d'un caractère indécis, ne sachant plus vaincre désormais que par ses lieutenants, faible avec les païens, froid avec les chrétiens, s'étant déclaré indirectement partisan de la secte d'Arius, l'un des plus ardents hérésiarques du siècle, empereur sans énergie, il tremblait pour l'Orient que, de ce côté, menaçaient les Perses; et quoique servi habilement par les conseils de l'historien Ammien Marcellin, il ne savait comment combattre l'ambition naissante de Julien, qui repoussait les irruptions des Germains dans les Gaules et se frayait, par la gloire des armes, un chemin au pouvoir. Tant d'incapacité dans le chef de l'empire excita partout des séditions. Les Romains, sõus son règne, commencèrent à soupçonner qu'ils pouvaient être souvent vaincus, même en bataille rangée, et les Barbares, long-temps opprimés par le grand peuple, apprirent qu'il était temps de lui résister de toutes parts à force ouverte, et d'oser l'attaquer de front au sein même de l'Italie.

Cependant Julien II devait aussi présenter au monde le spectacle d'un empereur successivement maître de l'Occident et de l'Orient. Ce prince avait attaqué et défait complétement les Germains près de Strasbourg. Ami des Gaulois, il affectionnait particulièrement Paris, qu'il nommait sa chère Lutèce et où il a laissé des monuments dont les ruines subsistent encore. Ce fut dans cette ville même que ses soldats le proclamèrent empereur en 360. Il voulut, dit-on, fermer la porte de son palais aux eunuques, aux bateleurs, aux danseurs, mais il l'ouvrit aux sophistes, aux augures et aux astrologues. Croyant deviner que Constantin-le-Grand, son oncle, s'était trop hâté d'embrasser la religion chrétienne, et s'imaginant que le paganisme avait encore des partisans nombreux, il pensa qu'il était à propos d'abandonner la religion du

Christ, et il persécuta ceux avec qui il avait prié dans les temples des chrétiens. Il n'épargna pas Marc, évêque d'Arethuse, qui autrefois lui avait sauvé la vie. Il eut ensuite la présomption de se faire appeler fils du Soleil, et de ramener ainsiles superstitions qui avaient flétri la gloire de quelques héros de l'antiquité. Cette vanité insensée ne doit pas toutefois faire oublier que Julien maintint quelque temps l'empire dans un état assez florissant, et qu'il publia des édits d'une sagesse remarquable. Julien mourut sans avoir vu ce qu'il paraissait désirer, les chrétiens abattus et les païens triomphants. Les premiers ne s'étaient pas découragés, et ils se trouvèrent en plus grand nombre et encore plus unis après la mort de celui qui les avait trahis.

Mais il était des destinées indépendantes de la religion du Christ, et que l'empire romain devait subir.

Les bords du Danube et du Rhin (*)

(*) Nous nous sommes attaché, dans cet ouvrage, à n'offrir que des faits puisés aux sources historiques les plus sûres. Pour ces commencements, nous avons suivi Jor

nandes, Procope, Lebeau et son habile commentateur M. de Saint-Martin, Gibbon, Féa, dont nous avons nous-même traduit l'itinéraire, publié à Rome en 1821. Ensuite, il nous a paru que, pour être conséquent avec ce principe sévère de bonne foi et de franchise, nous ne devions offrir, dans nos gravures, que des sujets également avoués par l'histoire. Il nous aurait été facile, avec les descriptions détaillées, laissées par les auteurs, de composer des soldats goths, ostrogoths, visigoths, daces, alains, sarmates, huns et lombards; mais nous n'avons admis dans notre ouvrage que la vérité.

Cette premiere planche représente à gauche, des soldats barbares, des Daces, et des Sarmates, et à droite les soldats romains, tels que nous les voyons sur la colonne Trajane. Nous ne pouvions pas chercher un monument plus authentique que celui de la coloune dédiée à Trajan, vers l'an 125, par le sénat et le peuple. On y remarque deux mille cinq cents figures et demi-figures, sans compter les éléphants, les chars, les armes, les machines de guerre, les enseignes militaires, les trophées, et jusqu'à des episodes d'un effet terrible: les femmes des

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enfantent des nations diverses chez ments salutaires, et la pratique plus qui la frugalité, l'abondance des aliconstante de ces qualités nobles que n'a pas souillées une civilisation corrompue, entretiennent la santé, la force et l'honneur militaire; dans ces pays, la vertu des femmes, la sainteté des mariages, favorisent la population, et bientôt un terrain devenu trop circonscrit ne peut plus la contenir. Nous voyons même, de nos jours, que tous les ans ces mêmes pays envoient, du consentement des souverains, des émigrations dans le Nouveau Monde et dans plusieurs provinces de la Russie. Ces expatriations étaient alors plus nécessaires. Tant que l'empire avait été gouverné par des mains voir courageux, s'étaient contentés fermes, ces peuples, redoutant le poud'affluer, par bandes désarmées, en Itasubalternes, et surtout d'offrir leurs lie, d'y solliciter jusqu'à des emplois robustes bras pour la guerre. Quelhautes dignités, quelques-uns avaient ques-uns étaient parvenus aux plus succombé à leurs misères : mais tous d'amour, avant de devenir grands ou avaient salué par des cris de joie et de mourir, ce doux climat de l'Italie, ce jardin, comme l'appellent encore aujourd'hui les Allemands qui, des Alpes, descendent sur les rives de l'Adige.

Ce cri de joie et d'amour était donc l'espérance et la consoiation de ceux que la patrie ne pouvait plus nourrir. Plus ils se multipliaient et devenaient difficiles à gouverner, moins les chefs devaient s'opposer à l'élan de ces peuples vers des contrées qui semblaient plus favorisées du ciel. Le nombre de ceux qui voulaient, qui devaient partir, devint si considérable, qu'il fallut organiser des lois positives à cet égard.

Quand la population ne pouvait plus être alimentée par les ressources qu'offrait le peu de terrain qui avait été dé

Barbares, dépouillant elles-mêmes les prisonniers romains, et les brûlant à petit feu avec des torches ; et des soldats romains, surpris dans une ville, s'empoisonnant pour ne pas tomber prisonniers.

friché, on formait trois portions de la population entière. Chaque portion comprenait un nombre égal de nobles, de serfs, de riches et de pauvres, tous désignés avec leur femme et leurs enfants, et le sort indiquait, dans ces trois portions d'habitants, celle qui devait partir presque à l'instant. Les deux portions qui demeuraient dans le pays se partageaient les cabanes, les biens et les terrains de ceux qui partaient. Ce furent pourtant ces peuplades exilées qui détruisirent l'empire romain. De l'absence des Césars, il était résulté que toute la ligne occidentale de l'empire avait été trop négligée, et qu'étant si éloignée de l'œil du souverain, il n'avait plus pensé à la défense des frontières. Mais qui oserait assurer que si Constantin ne se fût pas retiré à Byzance, et que si Julien, dans sa haine contre le christianisme, et pour renverser ce qu'avait fait un empereur chrétien, eût rétabli Rome dans ses droits de métropole, les peuples du Midi n'eussent pas attaqué la ligne orientale de l'empire par l'Asie et par la Grèce? Les ennemis devaient-ils manquer aux Romains? Ils avaient été grands; ils avaient souvent plus abusé qu'usé du pouvoir: en ce moment, ils étaient corrompus et divisés, ils devaient périr. Rapportons donc simplement des faits qui ont dû nécessairement s'accomplir, sans blâmer des princes qu'on soupçonnerait à tort de n'avoir pas voulu conserver l'autorité acquise aux Romains par tant de travaux, par tant de rigueurs et de victoires.

Les peuples qui se précipitèrent de la partie septentrionale, après les Cimbres, qu'avait vaincus Marius, furent les Visigoths ou Goths occidentaux: ceuxci avaient insulté l'aigle de Rome, alors toujours victorieuse, mais voyant que le temps des succès n'était pas encore venu, ils avaient paru satisfaits d'obtenir la permission d'habiter le long du Danube. Chaque fois qu'ils s'avançaient, ils étaient repoussés; aussi, forcés de rester dans le pays, ils s'entredétruisaient par des guerres intestines.

Le dernier empereur qui les soumit glorieusement, fut Théodose-le-Grand.

Il leur défendit de créer des rois, les admit dans ses armées et leur assigna une solde régulière. Ce prince, fils d'un illustre général, l'honneur et.le soutien de l'état sous le règne précédent, et que nous voyons déja nommer comte de la Mésie l'an 374, monta sur le trône avec toutes les qualités qui rendent les souverains immortels. La douceur de son naturel et la modération de son caractère étaient peintes dans ses yeux; il avait l'esprit cultivé, et il n'ignorait rien de ce qui mérite d'être appris. D'un génie vaste et capable d'imaginer les plus nobles entreprises, il savait les conduire à une fin heureuse. Il avait ordonné que la foi de l'église romaine serait suivie dans tout l'empire, et qu'on remettrait les temples entre les mains de ceux des chrétiens qui se prononçaient contre l'arianisme, sans cesse obstiné à nier la divinité de Jésus-Christ. Si l'on retranche de la vie de Théodose la malheureuse journée de Thessalonique, on peut le regarder comme un digne successeur de Trajan.

Cette capitale de l'Illyrie était devenue une des villes les plus grandes et les plus peuplées de l'empire. La licence s'y était accrue avec l'opulence et le nombre des habitants. Le peuple se montrait passionné pour les spectacles du cirque, dont il chérissait les vils ministres. Un des cochers du cirque, qu'il aimait le plus, s'était rendu coupable d'un crime capital. Le gouverneur ayant fait arrêter ce cocher. le peuple le redemanda avec violence, et n'ayant pas obtenu sa liberté, il massacra plusieurs magistrats et le gouverneur. Théodose, qui avait pardonné généreusement aux auteurs d'une sédition à Antioche, suivit malheureusement le conseil qu'on lui donna de punir sévèrement celle de Thessalonique. Rufin, maître des offices, tenait le premier rang dans la confiance du prince. Il fit entendre qu'il était nécessaire d'étonner le peuple par un exemple terrible, capable d'arrêter pour toujours les séditions et de maintenir l'autorité du souverain dans la personne de ses officiers. Tout

ce qu'on avait vu de révoltes depuis quatre siècles, semblait donner du poids à cette proposition. Il fut résolu que l'on punirait les Thessaloniciens par un massacre général. On exécuta l'ordre avec autant de perfidie que de cruauté. Le peuple, invité à une fête, s'y rendit en foule, ne sachant pas qu'il courait à la mort, et les soldats passèrent au fil de l'épée tous les habitants sans distinction d'âge ni de sexe. Le massacre dura trois heures. Sept mille personnes y périrent. Saint Ambroise et d'autres évêques, assemblés à Milan, furent pénétrés de la plus vive douleur en apprenant ce crime. Saint Ambroise écrivit à Théodose cette lettre que l'histoire nous a conservée :

« Je n'aurai pas la hardiesse d'offrir le saint sacrifice, si vous avez le courage « d'y assister. Il ne me serait pas per« mis de célébrer les augustes mystè⚫ res en la présence du meurtrier d'un a seul innocent; et comment le pourrais-je devant un prince qui vient • d'immoler tant d'innocentes victimes? Pour participer au corps de a Jésus-Christ, attendez que vous « vous soyez mis en état de ren«dre votre hostie agréable à Dieu: « jusque-là, contentez-vous du sacrifice de vos larmes et de vos prières. Mais la conscience de Théodose lui parlait avec encore plus de force et de liberté. Déchiré de remords, il revient à Milan, et marche droit à l'église. Ambroise sort au-devant de lui, et l'arrêtant à son passage, lui dit: « La « colère ne vous aveugle plus, mais « votre puissance et la qualité d'ema pereur offusquent votre raison. »>

Théodose avait l'ame trop élevée pour rougir de l'humiliation qu'il recevait à la vue d'un peuple immense, et il offrit de subir la pénitence qu'aucun prêtre des faux dieux n'avait osé, dans quelques circonstances à peu près semblables, imposer à un prince du paganisme. Saint Ambroise interdit à Théodose l'entrée de l'église, lui prescrivit les expiations que les pécheurs accomplissaient, prosternés sur les marbres du parvis, et ne l'admit dans le sanctuaíre qu'après huit mois d'épreuves,

pendant lesquels Théodose montra autant de patience que de résignation.

Ce grand acte de repentir ne fut pas le seul hommage rendu par Théodose à la religion chrétienne.

Un jour il avait assemblé le sénat, et, après avoir exposé en peu de mots la folie des idées païennes, il avait exhorté les sénateurs à embrasser << une religion sainte, émanée de Dieu « même, dont le dogme et la morale << pure, simple et sublime, élevaient « sans recherche et sans étude les « derniers des hommes au-dessus des plus grands philosophes, qui avaient « été supérieurs eux-mêmes aux dieux qu'ils adoraient. »

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On ne pouvait pas parler de Platon et de Socrate avec plus de vénération et de respect, et comme les opinions de ces deux philosophes étaient le retranchement derrière lequel on cherchait à se défendre, c'était ingénieusement honorer ce que les Grecs, dans un enthousiasme poétique, appelaient la divinité de ces deux génies si illustres. Théodose, comme tous les princes généreux et de bonne foi, avait permis de répondre. Ce que les antagonistes disaient de plus remarquable se réduisait à ceci : « Le culte

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qu'on voulait proscrire était aussi ana cien que Rome; leur ville subsistait << avec gloire depuis près de 1200 ans « sous la protection de leurs dieux. Il << y aurait de l'imprudence à les aban« donner pour adopter une religion « nouvelle dont les effets seraient « peut-être moins heureux. »

Du reste l'empereur n'exclut pas. même les païens des dignités, et la différence de religion n'effaçait pas dans son esprit le mérite des talents et des services; mais prétendant que l'état, environné de barbares, avait plus besoin de soldats que de victimes, il ordonna au trésor public de ne plus subvenir aux dépenses du culte païen. Dès lors les sacrifices cessèrent, les fêtes des dieux commencèrent à tomber dans l'oubli, les temples païens furent abandonnés, et leurs ornements transportés dans les églises chrétiennes.

Théodose, en mourant, laissa deux

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