Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

CHAPITRE VI.

LOUIS XV. LOUIS XVI.

Louis XIV, par son testament, avait prescrit de conduire le jeune roi 1 à Vincennes pour lui faire respirer un air pur et salutaire; et Philippe, duc d'Orléans, régent du royaume, avait fidèlement accompli cette volonté suprême, quoiqu'elle ne fût nullement de son goût. Quelque

1 Louis XV, né le 15 février 1710, était alors âgé de cinq

ans.

2

[ocr errors]

M. le duc d'Orléans étoit fort importuné de Vincennes ; il vouloit avoir le roi à Paris. J'avois fait ce que j'avois pu pour qu'on retournât à Versailles, où l'on n'étoit exposé ni au tumulte du parlement, ni aux halles du vulgaire, ni aux aventures de minorité. » (Mémoires de Saint-Simon, 1715.)

temps après, le régent fit du Palais-Royal le siége du pouvoir, comme il en avait fait le temple des plaisirs. Après la mort de ce prince, la cour s'établit à Versailles; mais dans les premières années de sa jeunesse, Louis XV allait presque tous les jours à Rambouillet, où l'attiraient les plaisirs de la chasse et l'amabilité de la comtesse de Toulouse, dont les charmants soupers étaient embellis par les grâces de mademoiselle de Clermont et la gaieté de mademoiselle de Charolois. Fontainebleau n'avait encore reçu du roi que quelques visites insignifiantes, lorsqu'au mois de septembre 1725, il épousa en grande pompe, dans la chapelle de ce palais, Marie Leczinska, fille de Stanislas, roi de Pologne.

Cette princesse, née à Posen le 23 juin 1703, avait été exposée dans son enfance au danger d'être enlevée, notamment lorsque le czar Pierre, qui était entré en Pologne avec une armée de soixante mille hommes, envoya un détachement de cavalerie pour investir le château du roi Stanislas. On la conduisit dans un hameau du voisinage, où une paysanne cacha dans un four celle qui devait un jour s'asseoir sur le plus beau trône de l'Europe. Elle partagea les infortunes, les exils et la retraite de son père,

* Ce château appartenait au comte de Toulouse,

lorsque ce prince obtint du régent la permission de se retirer dans l'Alsace'. Là, sous les yeux vigilants de madame Mozinska, femme d'une haute sagesse, croissaient, à l'école du malheur et de la piété filiale, les vertus qui devaient embellir une couronne; mais Stanislas était alors loin de penser qu'une couronne dût un jour parer le front de sa fille. Il avait été question de la marier à un colonel français, le comte, depuis maréchal d'Estrées ; le régent mit obstacle à cette union, dans le dessein de la faire épouser par M. le duc de Bourbon; mais ce prince, devenu premier ministre, ne songea plus à cette alliance. Cependant la politique du cabinet de Versailles fait renvoyer en Espagne l'infante fille de Philippe V, destinée d'abord à épouser Louis XV; Monsieur le Duc, dirigé par la marquise de Prie, sa maîtresse, jette les yeux sur Marie Leczinska; et la fille d'un roi détrôné monte sur le trône de

Le roi Auguste fit porter à la cour de France des plaintes de l'asile accordé à son ancien rival. Le duc d'Orléans, en répondant à l'ambassadeur de Pologne, se servit de ces nobles expressions : « La France a toujours été l'asile des rois malheureux! »>

2

Lorsque la duchesse d'Estrées vint lui faire sa cour à Versailles, Marie Leczinska dit aux personnes qui l'environnaient : « Je pourrais cependant être à la place de cette dame, <«<et faire la révérence à la reine de France.

France. Stanislas était dans un château délabré près de Weissembourg, lorsqu'une lettre de Monsieur le Duc lui apprit cette prodigieuse faveur de la fortune. Transporté de joie, il entre dans la chambre où étaient sa femme et sa fille:

<«< Ah! ma fille, lui dit-il, tombons à genoux et remercions Dieu!-Mon père, s'écria Marie, seriez-vous rappelé en Pologne? — Le ciel, reprit Stanislas, nous est bien plus favorable, ma fille. » Et en même temps il avance un fauteuil, l'y fait asseoir, et dit : « Permettez, Madame, que <«< je sois le premier à rendre mes hommages à << la reine de France! >>

«

Ce fut le duc d'Orléans, fils du régent, qui épousa la princesse à Strasbourg au nom du roi, le 5 septembre 1725; le mariage fut célébré à Fontainebleau par le cardinal de Rohan. << Le roi, dit le maréchal de Villars, avait attendu la princesse avec impatience; il en parut content. J'ai trouvé sa personne fort aimable. Elle a d'ailleurs la vertu, l'esprit et toute la raison qu'on doit désirer dans la femme d'un roi qui a quinze ans et demi. » Le jour de son couronnement, lorsque le roi lui offrit les présents d'usage : « Je les reçois volontiers, lui dit-elle; mais, comblée du don que vous me faites de votre cœur, je vous prie d'agréer que je fasse part de ceux-ci aux témoins de mon bonheur. » Et elle en fit

avec joie la distribution à toute la cour. Ce premier acte révélait une bonté qui ne s'est jamais démentie sur le trône, et qui a valu à Marie Leczinska le surnom de la Bonne Reine.

L'année suivante, le roi donna dans ce palais le bonnet de cardinal à son précepteur, l'abbé de Fleury, évêque de Fréjus ', dont on a dit avec

«

Le chevalier de Sainctot, introducteur des ambassadeurs, alla prendre, dans les carrosses du roi et de la reine, le cardinal de Fleury, et le conduisit chez le roi avec l'abbé Gualterio, camérier d'honneur du pape, envoyé par Sa Sainteté pour apporter le bonnet au cardinal de Fleury. L'abbé Gualterio fut introduit avec les cérémonies ordinaires à l'audience que le roi lui donna dans son cabinet, et il présenta à Sa Majesté le bref de Sa Sainteté. Après cette audience, le roi descendit à la chapelle, où le cardinal de Fleury se rendit à la fin de la messe, étant conduit par le chevalier de Sainctot, introducteur des ambassadeurs. Le marquis de Dreux, grand maître des cérémonies, et le sieur Desgranges, maître des cérémonies, reçurent à la porte de la chapelle le cardinal de Fleury, qui alla se placer près du prie-Dieu du roi, du côté de l'Évangile, où on lui apporta un carreau. L'abbé Gualterio, revêtu de son habit de cérémonie, ayant remis entre les mains du cardinal le bref du pape, alla prendre sur une crédence, préparée pour cet effet du côté de l'épître, un bassin de vermeil doré sur lequel était le bonnet, et il le présenta au roi. Sa Majesté prit le bonnet et le mit sur la tête du cardinal, qui le reçut avec une profonde inclination, et à l'instant même se découvrit. Dès que le roi fut en marche pour sortir de la chapelle, le cardinal de Fleury entra dans la sacristie,

« ZurückWeiter »